Le conflit des générations au Japon n'est pas celui qu'on croit. J'ai comme l'impression que les «20 ans et quelques choses» font partie d'une génération plus que troublée par l'éducation qu'ils ont reçue dans une Ecole qui cherche à créer un groupe et une organisation pas très rationnelle.
Chez le coiffeur du coin, ils sont sept employés. Trois clients peuvent s'y faire couper les cheveux. Cela fait souvent deux employés près de l'ordinateur à l'entrée plus un au téléphone. Un qui coupe, un qui lui passe le gel. Un autre peut crier «お疲れさまです» à chaque occasion: descente des escaliers depuis le coin shampoing, levée du siège, enfilage de la blouse, tout est bon pour gratifier le client d'une remarque qui lui fait entendre que l'on s'occupe de lui.
Puis vient le moment où l'on aimerait être au calme. La coupe. Chaque fois, les questions sont les mêmes. Le jeu consiste alors à s'inventer la vie que le garçon s'étonnera d'apprendre. Mentir à son coiffeur ne semble pas être un vice. Le but ici est de se faire couper les cheveux, pas de gagner un nouvel ami. Et lui préfère certainement entendre des trucs hallucinants que des banalités.
Quand vient le tour des questions au coiffeur, on rentre dans la banalité. Pas d'imagination et pas de vie en dehors de ce salon où ils sont sept à se croiser tous les jours. Comme d'habitude, les lundis sont jour des repos pour les coiffeurs nippons. Ici, le lundi, c'est plutôt jour de repos pour les clients qui ne peuvent y aller. Les employés, eux, se donnent généralement rendez-vous au salon pour des réunions, des concours de la meilleure mèche façon Dragon Ball ou des tests de coiffure sur tête en silicone.
Mon coiffeur vient au salon en voiture. Il pourrait venir en bus, mais souvent, le travail terminé, il n'y a plus de bus. Le salon ferme à 21 heures. Le bus ne circule plus après 23h30. J'imagine le temps passé à balayer les cheveux tombés. Je retrouve une organisation du travail, à sept, qui me rappelle ce que je vivais en travaillant à Osaka...
Cet employé de 20 ans et quelque chose avoue qu'il ne sait pas vraiment ce qu'est le mot «tard». Et puis, le supermarché d'à côté est ouvert toute la nuit depuis peu. Tant qu'on peut manger à 2 heures du matin, pourquoi se presser de rentrer ?
Certes, il avoue que ce sont des ulcères à l'estomac qui l'ont souvent forcé à ne pas venir travailler. Coupe terminée. Heureusement, je n'ai pas beaucoup de cheveux, je ne resterai pas plus longtemps ici et je n'aurai pas à lui avouer que cet été, je suis resté plus de deux semaines au bord de la mer, un concept que les sept employés de ce salon, tous au look similaire, tous sortis d'une pub pour Beams, ne pourraient pas comprendre.
Dans ce salon, on coupe les cheveux comme ailleurs, mais pas forcément mieux, comme en témoigne la permanente ratée de ma voisine de coupe qui a déclenché des excuses mêlées de larmes de la part de sa coiffeuse de 25 ans. En revanche, l'intérêt d'y aller réside dans ce plaisir sadique à voir sept 20 ans et quelque chose passer du temps au travail et quémander aux clients qu'ils coupent, des récits de ce qui se passe dehors. Outre les paroles, je retiendrai aussi cette subtile manière de l'employé féminine qui exécute des petits pas rapidement qui veulent dire «je me presse à la tâche» mais qui la font avancer moins vite qu'une marche classique, adulte.
Encore une fois, il faut trouver un bon petit restaurant pour se réconcilier avec le Japon. Super conseil que celui qui nous dirige vers あん. La façade était connue, mais dehors, rien, pas de menu, ni de fenêtre montrant que sept employés s'affèrent à attendre les clients. En revanche, derrière la porte coulissante, un chef de 60 ans et quelque chose. Seul, derrière son comptoir pour servir les nombreux estomacs. Il faut attendre dehors que des places se libèrent. très bon signe. Deux clients sortent, très joyeux, plein de saké. Ils rentrent en taxi. Très bon signe également: je pensais qu'il s'agissait d'un de ces restaurants qui accueillent les amis du voisinage et où l'on y mange comme à la maison en moins bon qu'à la maison.
あん n'est pas sur le net, mais c'est plein, succulent et très accueillant. Le menu écrit à la main posé sur la table donne peu d'indications, même pas les prix, si ce n'est qu'il est possible de faire une multitude de plats avec du poulet. La soupe servie en attendant la commande est parfaite, tout le reste aussi. Manger et boire à quatre pour 5500 yen n'est pas compréhensible (deux fois moins cher qu'une permanente). J'ai trouvé une cantine.
あん 京都市左京区浄土寺下南田町33
TEL: 075-751-7869 Sur google map.
Un délice cet article!
Mes parents comprendront mieux pourquoi je suis revenu après une année à Tôkyô sans m'être fait couper les cheveux! ;-)
Rédigé par : Yatto | 01 octobre 2008 à 16:23
Ouais c'est sur. Le pire et le meilleur du Japon. Ou plutot ce qui agace et ce qui plait.
Un lien google map serait le bienvenu pour cette adresse...
Rédigé par : akaieric | 01 octobre 2008 à 17:21
akaieric: lien ajouté ! (sinon, il suffit de copier coller une adresse dans google map et tu as le plan !).
Yatto: tu aimes les cheveux longs ? Tous les coiffeurs ne sont pas comme ça tout de même !
Rédigé par : Thomas | 01 octobre 2008 à 19:19
Moi, c'est surtout les tarifs qui m'ont freiné : entre les salons "coupe à 1000 yens en 10min" et les autres à 5000-6000 yens, sans compter le risque de sortir avec une belle tête d'host...
Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m'a pas trop motivé à me faire raffraîchir!
Rédigé par : Yatto | 01 octobre 2008 à 22:29
Moi je voudrais bien savoir quelle vie tu lui a bien raconte a ce coiffeur !! Et en tout cas tu pourrais en faire un guide avec toutes les adresses que tu commence a connaitre..... :p
Rédigé par : Boris | 01 octobre 2008 à 22:31
C'est le Lundi aussi, le jour de fermeture des salons de coiffure en France!
Rédigé par : Autoacbca | 01 octobre 2008 à 23:07
Les japonais ne vont jamais voir un psy, comme cest souvent le cas en europe ou aux USA .
Le coiffeur est donc un espèce de psy, qui ecoute, te pose des questions, cest certainement la raison pour laquelle certaines japonaises n'hésitent pas a y aller plus d'une fois par semaine .
Rédigé par : Tommy | 02 octobre 2008 à 00:37
ouf, moi je suis passé au travers, j'ai tenté la coupe à 1000Y et ça s'est très bien passé, le papotage avec le coiffeur était vivable ;)
Rédigé par : Alain | 02 octobre 2008 à 10:12
C'est bien de varier les experiences chez les coiffeurs: une fois la coupe a 1000 yens dans un boui-boui, une fois celle a 6000 sur Omotesando...
Une fois passee la phase experience, certes c'est lassant. Aujourd'hui, la conversation agreable de ma coiffeuse (curiruse mais pas trop), son joli minois et la coupe a 3500 sont un compromis ideal, surtout quand il faut passer le double de temps ici (tout aux ciseaux ou presque, pas de tondeuse ou si peu)..
Le petit massage du dos en prime est quand meme un petit bonus appreciable
Rédigé par : Massiou | 02 octobre 2008 à 10:54
je vais chez cut factory; on n'a pas beaucoup parlé mais c'était bien.
je n'ai amais essayé de salon de ce type. Tu penses que c'est mieux?
Rédigé par : laurent | 02 octobre 2008 à 11:35
Ce coup du petit pas rapide pour avoir l`air de se remuer, je le vois partout aussi, que cela soit a la banque ou au comptoir HIS, comme des petites poules sur ressort. Parce que cela fait bien de montrer qu`on se "depeche" et qu`on s`excite a la tache.
Il y a non loin de ma station un coiffeur, non pas un en fait mais 7 coiffeurs dans un rayon de 100 m qui repondent a ta description, et cote concurrence je me demande bien comment ils font avec cette proximite. D`ailleurs le petit restaurant du coin d`en bas a ferme pour laisser place bientot a...un coiffeur!
Rédigé par : Giyo Chan | 03 octobre 2008 à 07:38
Hello Thomas,
"s'affèrent à attendre les clients" devrait plutôt s'écrire
"s'affairent" non?
Xaviero
Rédigé par : Xavier | 04 octobre 2008 à 22:15
Dans le même genre de restaurant, je te conseille le Fushimi, dans le centre de Kyoto, si je me goure pas c'est à l'est de Kamogawa, au niveau de sanjo, mais maintenant que j'en parle j'ai un doute... Tu connais peut être remarque.
Rédigé par : Matt | 05 octobre 2008 à 05:44